⚖️4 inégalités autour des émissions CO2
Nous sommes à présent sensibilisé.e.s que la quantité de Gaz à Effet de Serre émise par les activités humaines tous les ans est responsable du changement et déréglement climatique.
Nous connaissons également les efforts colossaux et urgents requis pour éviter de dépasser les 1,5°C (voir Figure 1) alors que les émissions ne font qu’augmenter. Plus on tarde, plus la pente de l’atténuation des émissions est raide.
Mais une chose qui est moins mise en avant et moins bien comprise sont les nombreuses inégalités et injustices liés à nos émissions de CO2 (ou Gaz à Effet de Serre en général). Cet article en présente 4 principales.
Inégalités historiques : Les émissions cumulatives
Inégalités internationales : Les émissions indirectes
Inégalités intranationales : Les émissions de luxe
Inégalités d’impacts : Les émissions qui déplacent ou tuent
Figure 1 : Courbes d’atténuation des émissions de CO2 pour rester en deça des 1,5°C de l’ère pré-industrielle. Il existe une courbe pour chaque année. Plus nous avançons dans le temps plus la pente des courbes d’atténuation sont raides. Source : OWID
🕰️#1 Inégalités historiques : Les émissions cumulatives
La première forme des inégalités liées aux émissions CO2, sont les émissions historiques ou les émissions cumulatives.
Aujourd’hui la Chine est responsable du tiers des émissions globales de CO2. A cause de ce chiffre, il est facile pour des personnes (parfois) mal intentionnées de jeter la pierre à la Chine et de prétendre que nos pays Occidentaux sont “verts”.
Vous reconnaissez peut-être le discours la France est responsable que d’1% des émissions globales ?
Cependant, lorsque nous faisons la somme de toutes les émissions nationales de CO2 de l’ère pré-industrielle à nos jours, l’histoire devient très différente.
En effet, les Etats Unis sont de loin le pays le plus responsable des émissions cumulatives (allant de 1750 jusqu’à 2015), dépassant la somme des émissions historiques des pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, et Afrique du Sud).
L’Europe est la deuxième région la plus responsable des émissions historiques.
Jusqu’en 2012, la France était responsable de plus d’émissions cumulatives que l’Inde (l’Inde qui a plus d’un milliard d’habitants).
Figure 1 : Emissions cumulatives de CO2, provenant de la combustion d’énergie fossile et des activités industrielles. Source : OWID
🛥️#2 Inégalités internationales : Les émissions indirectes
Lorsqu’on parle d’emissions CO2, il faut distinguer deux approches de comptabilité.
1/ les émissions territoriales (càd les émissions effectivement émises sur un territoire peu importe si les produits et services à l’origine de celle-ci vont être consommés localement ou exportés)
2/ les émissions liées à la consommation (càd les émissions engendrées tout le long d’une chaîne de valeur depuis l’extraction à la gestion des déchets même si ces activités se passent en dehors du territoire de consommation). En ce sens il existe des pays net importateurs de CO2 (plus de CO2 est émis à l’extérieur de leurs frontières pour satisfaire à leur consommation) et des pays net exportateurs (le CO2 émis dans leurs frontières provient d’une demande externe de consommation).
En ce sens, la Suisse est un net importateur de plus de 200% (3x de CO2 est émis à l’extérieur des frontières Suisse pour satisfaire leurs besoins que le CO2 émis effectivement sur leur territoire).
A l’opposé le Vietnam est net exportateur de 38% (càd environ 40% des émissions du territoires partent sous forme d’exportation de biens et de services plutôt que pour satisfaire les besoins locaux).
Figure 2 : Les émissions de CO2 intégrées dans les échanges commerciaux. Source : OWID
🤑 #3 Inégalités intranationales : Les émissions de luxe
Il existe une différence de plus d’un facteur 20 entre l’empreinte carbone des ménages les 1% plus riches et les ménages les 5% plus pauvres en Europe (voir Figure 3).
Outre la différence significative de la quantité, de ces empreintes carbone, il existe également une très grande différence aux postes responsables de celle-ci.
Pour les 1% les plus riches, plus d’un tiers de leur empreinte provient du transport aérien.
Pour donner un ordre de grandeur, les voyages aériens d’une personne parmi les 1% les plus riches équivaut à environ les émissions totales de 20 personnes parmi les 5% les plus pauvres.
A contrario, pour les ménages les 5% plus pauvres, la nourriture et le logement sont responsables des 3/4 de leur empreinte carbone (un besoin essentiel).
Figure 3 : Inégalité d’empreinte carbone intranationale, le cas de l’Union Européenne. Source : Ivanova et al. (2020)
🌊 #4 Inégalités d’impacts : les émissions qui déplancent ou tuent
Pour le moment toutes les inégalités sont liées à la quantité des émissions mais pas à leurs impacts.
Or nous ne sommes pas impactés de la même manière par le changement climatique.
Certains endroits sont déjà affectés par de la désertification, les innondations, les famines, la montée des eaux et les migrations. D’autres vont suivre très prochainement. Cependant, ces territoires émettent souvent que très peu (par ex. le Soudan, plusieurs îles Pacifiques, etc.).
Par ailleurs, les impacts ne sont pas les mêmes pour tous les portefeuilles. Isoler une maison trop chaude, ne pas respirer l’air pollué, se rafraichir près d’un endroit végétalisé n’est pas à la portée économique de tou.te.s.
Conclusion
Pour conclure, les émissions de CO2 et inégalités sociétales sont étroitement liées aujourd’hui tant à l’intérieur de chaque pays que de manière internationale.
Alors, oui, il est essentiel de baisser drastiquement et rapidement nos émissions de CO2, non seulement pour garantir l’habitabilité de notre planète et le maintien des écosystèmes vivant, mais aussi pour réduire les inégalités.
Ainsi, nous devons laisser suffisamment de CO2 pour les sociétés qui doivent encore croître leurs infrastructures essentielles, nous devons concentrer nos réductions sur les émissions de luxe, nous devons internaliser nos émissions et leurs dégats par des réparations et des restaurations.
Sans ces points nous risquons de perpétuer un colonialisme climatique.
📚 Quelques articles pour approfondir
Sultana, F. (2022). The unbearable heaviness of climate coloniality. Political Geography, 99, 102638.
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A la semaine prochaine ✌
Aristide