⚖ Combien pèsent nos sociétés ?
Bienvenu.e à cette première contribution de la Circular Metabolism Newsletter. Vous êtes déjà une soixantaine de personnes à vous être abonné.e.s., merci ! A travers cette newsletter, vous allez, j’espère, mieux comprendre le métabolisme de nos sociétés et pourquoi cette approche/concept/méthode/champ disciplinaire est essentielle pour agir face aux polycrises actuelles. J’écris peu souvent en français (mes recherches sont souvent en anglais) donc je vous demande d’excuser les éventuelles coquilles. Et maintenant place à la newsletter.
⚖ Combien pèsent nos sociétés ?
Derrière cette question qui peut paraître triviale ou inintéressante, se cache plusieurs enjeux majeurs (notre extractivisme, notre consommation de ressources, nos émissions vers la nature, notre relation avec le vivant, notre équité environnementale, etc.).
Je m’explique :
Lorsque je pose la question du poids, j’entends combien pèsent, en tonnes, tous les artefacts anthropiques tels que les bâtiments, routes, véhicules, infrastructures et autres. Pour vous donner un ordre de grandeur tous les artefacts humains au niveau planétaire pèsent environ 1 000 000 000 000 tonnes (ou 1000 Gt) (voir graphique B ci-dessous).
Nous sommes 8 milliards sur la planète, cela équivaut donc à 125 tonnes par personne. Evidemment, ces tonnes ne sont pas répartis de la même manière à travers la planète (voir graphique D ci dessous). Les pays industrialisés sont responsables de la moitié de cette quantité, la Chine est responsable d’une partie grandissante de ce stock. Le reste du monde d’une partie infime.
Cette accumulation de matière sous-tend une extraction de ressources et une production de déchets permanente. Même dans un état stationnaire (plus de nouvelles constructions) nous devons maintenir ce stock et pour des raisons thermodynamiques, techniques, financières, etc. nous ne pouvons combler nos besoins de ressources grâce aux matériaux sortants.
Figure 1 : Quantités des flux et de stocks de matière mobilisés dans le monde de 1900 à 2010. Source : Krausmann, F., Wiedenhofer, D., Lauk, C., Haas, W., Tanikawa, H., Fishman, T., ... & Haberl, H. (2017). Global socioeconomic material stocks rise 23-fold over the 20th century and require half of annual resource use. Proceedings of the national academy of sciences, 114(8), 1880-1885.
Comme nous voyons sur Graphique A ci dessus, nous sommes en pleine expansion du stock. Tous les ans nous ajoutons environ 50% de notre extraction mondiale (qui est d’environ 100 Gt) dans notre stock. Cela veut dire qu’au rythme actuel d’addition au stock, le poids de nos sociétés va doubler en 20 ans. EN 20 ANS !!!!
Et alors ? (So what ?). Pourquoi c’est si important ? Premièrement, il est estimé que la masse des artefacts humains dépasse à présent la biomasse de la planète (cf. Figure 2). Les bâtiments et routes au niveau planétaire pèsent plus que tous les arbres et plantes. Les produits et matériaux plastiques pèsent plus que tous les animaux. Ces deux chiffres sont des marqueurs clairs de l’anthropocène (ou de l’urbanocène).
Figure 2 : Estimations de la biomasse et de la masse anthropique depuis le début du XXe siècle sur une base de masse sèche. Source: Elhacham, E., Ben-Uri, L., Grozovski, J., Bar-On, Y. M., & Milo, R. (2020). Global human-made mass exceeds all living biomass. Nature, 588(7838), 442-444.
Vous en voulez plus ? La construction et l’opération de ce stock est responsable de la majeure partie des émissions. 1 tonne de ciment est responsable d’environ 1 tonne de CO2. Contruire plus, signifie chauffer plus, conduire plus, maintenir plus. A l’heure de la sobriété, il va falloir réduire notre masse, abandonner ou sacrifier certaines infrastructures pour laisser la place aux pays émergents de construire leurs infrastructures de bases.
📚 Un article pour approfondir
L’étude des stocks matériels est une sous-discipline en écologie industrielle. Il y a des centaines d’articles disponibles. Pour commencer, je vous propose l’article de la Figure 1 (qui a également été utilisé pour la Figure 2). J’ai également interviewé Dominik Wiedenhofer sur le podcast lien dans une section plus bas 👇
💾 Des données pour explorer
Pour explorer plus en détail la masse de nos société téléchargez les données produites par Dominik et son équipe.
📺 Des épisodes de podcast à regarder / écouter
Growth in GDP, Extraction and Pollution in the Global Economy (Podcast with Dr. Dominik Wiedenhofer)
La face cachée de l'économie Française - Un extractivisme ordinaire ? (Podcast avec Nelo Magalhães)
📆 Un événement à ne pas rater
Du 15 au 17 Mai, la conférence Beyond Growth va se tenir à Bruxelles et en ligne. Cette conférence regroupe des académiques travaillant sur les domaines d’économie écologique, écologie industrielle, écologie politique, décroissance, etc.
Nombreuses personnes interviewées dans le podcast (Kate Raworth, Tim Jackson, Julia Steinberger, Giorgos Kallis, Timothée Parrique, Robert Costanza, …) vont être présentes.
💬 Continuez la discussion
Voici la fin de ce premier article. Vous en avez pensé quoi ? N’hésitez pas à partager vos pensées en laissant un commentaire ici, ou en m’envoyant un mail directement. Si vous voulez m’aider, partagez cette newsletter avec vos collègues ou proches en appuyant le boutton ci-dessous.
A la semaine prochaine ✌
Aristide