Les infrastructures sont des artefacts nécessaires au bon fonctionnement de nos sociétés. Des routes, aux ports, aux centrales énergétiques, aux stations d’épuration et aux bâtiments, il s’agit de la colonne vertebrale de nos territoires qui transforment et mobilisent des flux (eau, énergie, matière) de proche ou de loin pour satisfaire des besoins essentiels tels que se loger, se déplacer, se nourrir, etc.
Pendant longtemps, je pensais que les infrastructures étaient un objet ennuyant, que seuls les ingénieur.e.s civils trouvaient intéressant. Oh que j’étais naïf. Après plusieurs années, j’ai compris que les infrastructures sont non seulement un fruit de choix technologiques mais éminemment de choix économiques, environnementaux, politiques voire idéologiques.
Avant de me plonger sur pourquoi le choix des infrastructures est un sujet d’importance sociétale, il faut peut-être rapeller certaines notions. Comme mentionné, les infrastructures sont ces artefacts qui transforment les flux d’un état vers un autre (par ex. une centrale à charbon génère de l’électricité via la combustion de charbon) ou les transportent d’un endroit vers un autre (par ex. des réseaux énergétiques, d’eau, de transport routier/rail). Mais les infrastructures sont également des stocks ou des réservoirs de matières (par ex. une centrale à charbon est composée de béton, acier, cuivre, et autres matériaux). Finalement, ces infrastructures facilitent ou permettent certaines pratiques et modes de vies (pensez routes pour véhicules individuelles vs. pistes cyclables pour vélos).
Du coup, les infrastructures consomment des flux pour être construites mais aussi et surtout un moteur ou facilitateur de consommation de flux. Dans les territoires urbanisés nous pouvons même dire que sans infrastructures nous ne pouvons pas consommer de flux (mis à part quelques exceptions telles qu’un potager).
Cependant toute infrastructure n’est pas égale, ni en termes de besoin de matière, ni en satisfaction de besoins, ni en mobilisations de flux. Certaines engendrent la consommation de “mauvais” flux (infrastructures d’énergies fossiles) et certaines de “bons” flux (infrastructures cyclistes). Certaines autres facilitent une consommation excessive ou raisonnée d’eau (gros vs. petit tuyau d’approvisionnement).
Si ce n’était pas suffisamment compliqué, il faut ajouter un aspect temporel aux infrastructures. Souvent, les infrastructures ont une durée de vie de quelques dizaines d’années voire à quelques centaines d’années. En soi, faire des stocks qui durent c’est une bonne chose. Mais cela veut également dire qu’une société peut se vérouiller dans une consommation de mauvais flux ou une consommation excessive de flux le temps de remplacer une infrastructure. De même, ce vérouillage technique peut nous pousser à maintenir certaines infrastructures en vie mais pour les maintenir nous devons continuer à consommer des matériaux.
Vous voyez le cercle vicieux ?
Nous avons des infrastructures qui nous forcent à consommer des “mauvais flux” (par ex. les autoroutes) et en plus de cela pour les maintenir nous devons consommer de l’asphalte, béton, gravats, etc.
A l’heure de l’économie circulaire, les recommandations sont souvent de maintenir le stock le plus longtemps possible et d’éviter de nouvelles constructions. Ceci est juste mais à l’heure de la sobriété, il faut aussi abandonner certaines infrastructures qui sont en état de marche (infrastructures fossiles par exemple).
Pour conclure, pourquoi le choix des infrastructures est éminemment politique voire idéologique ? Parce que les infrastructures déterminent le champ des possibles. Le tout à l’eau est une évidence aujourd’hui au point où les alternatives sont difficiles à imaginer. Il existe de nombreux moyens de satisfaire un besoin essentiel mais avec une intensité materielle très différente. Comme nous l’avons vu avec les manifestations pour les méga-bassines, les infrastructures sont au coeur de nos enjeux et nous devons démocratiser et repolitiser leur choix.
📚 Un article pour approfondir
Cet article montre que pour maintenir et remplacer les infrastructures de transport en Europe, on consomme plus de matériaux que pour la construction de nouvelles infrastructures de transport. Cela souligne bien le fameux vérouillage dans certaines infrastructures et la nécessité d’abandonner des infrastructures pour réduire notre consommation de ressources.
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A la semaine prochaine ✌
Aristide