🦠 Le métabolisme des Cantons Suisses
Il y a plus de deux ans, nous nous sommes lancés avec ma fantastique collègue Nicole Wiedmann dans un exercice de comptabilité pour mieux comprendre le métabolisme des cantons suisses (ou en d’autres termes leurs consommations de ressources et leurs émissions de polluants).
Notre article qui synthétise cette recherche est finalement publié !
Lors de cet exercice, nous avons mesuré les entrants (importations et extraction domestique des ressources) et les sortants (exportations et émissions) pour les 26 cantons suisses, et ce, pour les années 2016 à 2019. Toutes les données sont également aggrégées dans une base de donnée accessible sur ce lien.
De manière synthétique, ce monitoring de ressources et de pollutions ouvre plusieurs portes. Premièrement, jusqu’à maintenant, la comptabilité des flux de ressources et de pollutions était uniquement disponible au niveau fédéral (national). Cependant, si vous voulez prendre des décisions et des actions pour un territoire vous avez besoin de données au plus proche de celui-ci. Par ailleurs, en faisant cette analyse au niveau des cantons, on a pu construire un échantillon suffisamment grand pour essayer de comprendre pourquoi certains territoires consomment plus que de d’autres.
Tout cela peut paraître confus, donc le plus facile est de donner un exemple.
🧫 Le métabolisme du canton de Vaud (2019)
En 2019, le canton de Vaud (où se situe Lausanne) a extrait 5 500 milliers de tonnes (ou kt), un tiers étant de la biomasse et deux tiers étant des minerais non-métalliques (sable, gravier, argile, …). En cette même année, le canton a importé 26 500 kt de matériaux, la majorité étant des produits métalliques, de la biomasse et des matériaux de construction. Une quantité un peu plus faible mais dans le même proportions est exportée (on va revenir sur les importations/exportations un peu plus loin). Finalement, le canton émet 4 300 kt de matières vers l’environnement la majorité étant des émissions de GES (dans cette méthode, uniquement les déchets solides allant vers une décharge sont comptabilisés et non la quantité de déchets générés).
Figure 1 : Le métabolisme du Canton de Vaud en 2019
Que veulent dire ces résultats ? Le métabolisme du canton de Vaud est linéaire et carbonné. Il importe des matériaux qu’il extrait localement et les réexporte a priori. Par ailleurs, une partie non négligeable de combustibles fossiles sont importés et consommés localement (ce qui résulte à l’émission de GES). Ces données montrent la situation à un temps t et ainsi ouvre la porte à un monitoring temporel mais aussi facilite la création d’indicateurs tels que Consommation Matérielle Directe.
🧫 Comparaison du métabolisme des cantons suisses (2019)
La vraie plus value de l’étude est cependant la possibilité de comparer les flux de tous les cantons suisses. Ces prochaines figures comparent l’extraction (Figure 2); importations et exportations (Figure 3); et les émissions GES des cantons suisses (Figure 4).
Comme visible dans la Figure 2, il existe des différences significatives entre cantons en termes d’extraction. Cela peut être dû à cause de la population (Zürich ou Berne) de la taille, ou de la part de la surface non dédiée au résidentiel et au tertiaire.
Figure 2 : L’extraction matérielle des cantons suisses en milliers de tonnes (minerais non-métalliques en orange, biomasse en vert) en 2019
La Figure 3 montre combien les cantons suisses importent et exportent (différents types de matériaux). Quelques précisions sur ce graphe et les (limites des) données utilisées sont requises. En effet, dans toutes les études métaboliques, les données sur les importations et les exportations sont souvent rares et de qualité incertaine. Les données utilisées viennent de différentes sources officielles (douanes, offices statistiques, etc.), cependant, nous pouvons voir une symétrie entre les données importées et exportées de chaque canton, ce qui est surprenant. La Suisse étant un pays importateur net, logiquement les cantons devraient importer de manière plus importante (en comparaison avec les exportations). Cependant, cette étude inclut les transports inter-cantonaux ce qui pourrait changer le fonctionnement métabolique de ces territoires. A ce stade donc, il est important d’utiliser ces résultats avec précaution et on espère les améliorer dans le futur.
Figure 3 : Importations et Exportations totales des cantons suisses en milliers de tonnes (a), composition matérielle des importations en % (b), composition matérielle des exportations en % (c)
Finalement, la Figure 4, montre les émissions de CO2 par habitant pour tous les cantons. Ici l’ordre des cantons est différent par rapport aux autres graphes d’une part parce que les quantités sont par habitant et parce que certaines activités sont plus intenses en carbone que d’autres (par exemple l’agriculture). De manière générale, les émissions ont baissé en dix ans (il s’agit ici d’émissions directes) et nous pouvons voir les cantons les plus urbains Genève, Zürich, Bâle émettent significativement moins que leurs voisins ruraux. Cette différence est moins présente lorsque que nous incluons les émissions indirectes (voir cet article).
Figure 4 : Emissions CO2 par habitant dans les cantons suisses en 2000 et 2019.
📚 Conclusion
Pour conclure, c’est important de souligner le caractère chronophage de ces études. On a dû contacté des dizaines de départements. Certaines fois les différents départments de cantons ne se connaissaient pas. Je suis à chaque fois surpris (et un peu deçu) que ces données ne sont pas centralisées et étudiées de manière systémique. Je me pose la question, de comment les stratégies environnementales sont prises lorsque les départements d’agriculture, de déchets, de carrières et de transport ne se parlent pas et n’adoptent pas une approche holistique d’analyse. Ceci est également vrai au niveau Européen. Bien qu’une méthode standardisée existe au niveau européen pour mesurer les flux de matières, et qu’une base de donnée nationale existe celle-ci que n’existe pas au niveau régional.
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A la semaine prochaine ✌
Aristide