Calendrier de l'Avent 16/26 - P comme Paradoxe de Jevons
Le mot d’aujourd’hui pour la lettre P est Paradoxe de Jevons ou plus communément présenté comme Effet Rebond.
Ce concept développé par Stanley Jevons au XIXè siècle souligne que malgré l’augmentation de l’efficacité de notre utilisation de ressources notre consommation totale et absolue augmente.
En effet, il s’agit ici d’un paradoxe puisque d’un côté nous créons ou améliorons des technologies pour augmenter notre efficacité, c’est-à-dire garder la même consommation de ressources pour plus d’unités produites, mais d’un autre côté nous augmentons quand même notre consommation totale.
Dans son livre intitulé Sur la question du Charbon datant de 1865, Jevons remarque que la consommation totale de charbon en Angleterre a considérablement augmenté malgré les considérables améliorations d’efficacité amenées par la machine à vapeur de James Watt. La raison se trouve dans le fait que les améliorations amenées font chuter le prix puisque nous avons besoin de moins de charbon pour un travail mécanique égal des machines, et du coup celles-ci se démultiplient.
Dans le livre Cheaponomics1, il est estimé que les différents progrès technologiques des machines à vapeur ont réduit de deux-tiers (66 %) la consommation de charbon par unité de fer produite, mais dans le même temps ont conduit à une multiplication par dix (1 000 %) de la quantité de charbon consommée.
Dans la litérature scientifique, la question des effets rebonds a largement été étudié et distingue les effets rebonds en trois catégories
Les effets rebond direct : Comme pour le cas du charbon, l’efficacité energétique des machines va faire chuter leurs prix et va augmenter l’utilisation de machines entrainant une hausse de la consommation énergétique par ses mêmes machines.
Les effets rebond indirect : Par exemple, vous acheter une voiture électrique qui vous fait baisser votre facture annuelle de la voiture. Avec l’argent économisé vous allez prendre l’avion pour faire des vacances à l’étranger.
Les effets rebond répercutés sur toute l’économie : La réduction du prix du travail mécanique ou de l’accès à l’énergie favorise de manière structurelle l’augmentation de la production et de la consommation de biens qui nécessitent beaucoup d’énergie dans tous secteurs confondus.
Dans tous les cas nous rentrons ainsi vers une boucle de rétroaction positif ou chaque progrès, chaque avancée technologique est effacée ou absorbée par notre augmentation totale de la consommation. Chaque effort des ingénieu.res pour rendre nos systèmes plus efficaces est d’une certaine manière réinvesti dans la machine pour consommer plus.
A l’heure de dématérialisation et de la décarbonation, allons nous pouvoir enfin découpler notre consommation totale avec les gains d’efficacité ? Allons nous enfin pouvoir rendre notre système énergétique et matériel plus efficace (en l’électrifiant et en installant des technologies efficaces telles que les véhicules électriques ou les pompes à chaleur) sans augmenter la consommation totale ?
Cette question n’a pas de réponse forcément technique mais plutôt une réponse idéologique ou de valeur sociétale car pour y répondre nous avons plusieurs choix.
Nous pourrions par exemple profiter de l’efficacité accumulée jusqu’à maintenant pour rester au même confort de vie actuel et du coup réduire notre consommation de ressources actuelle. Appelons ceci une économie stationnaire.
Nous pourrions utiliser l’efficacité actuelle ET éliminer les gaspillages ainsi que des activités superflues afin de réduire de manière absolue notre consomamtion de ressources actuelle. Appelons ceci une économie de décroissance.
Nous pourrions également utiliser cette efficacité et redistribuer les ressources équitablement pour offrir les mêmes services à tou.tes et garder la consommation actuelle. Appelons ceci une économie redistributive.
Finalement, nous pourrions tout simplement continuer à faire comme aujourd’hui. Toujours inventer de nouvelles technologies qui vont certes produire des avions et des voitures plus efficaces, des bâtiments plus optimisés, des chaussures upcyclées mais jamais réduire notre consommation. Une fuite à l’avant à la fois.
Entendons nous, je ne suis pas en train de dire que l’efficacité est mauvaise en soi. Pas du tout. Au contraire, profitons autant que possible de tous les progrès technologiques que nous avons pu développer mais pour les bonnes raisons. Et par la même occasion, posons nous la question de quand le cycle perpétuel de nouvelles technologies doit s’arrêter.
Allez à demain pour la lettre Q,
✌️
Carolan, M. (2015). Cheaponomics: Le coût élevé des produits bon marché, De Boeck Superieur