📅 Calendrier de l'Avent 5/26 - E comme Echange Inégal
Le concept d’aujourd’hui est l’échange inégal. Ce concept développé par un compatriote grec Argyrios Emmmanouil1 souligne l’échange inégal de flux entre territoires de périphéries et des territoires de centre. Les territoires du centre, les plus riches et les plus “industrialisés”, récupèrent des matières premières et de la main d’oeuvre à bas coût de la part des territoires de la périphérie afin d’y réexporter des biens et des services à coût élevé2.
Cet accaparement de ressources, de main d’oeuvre et de terres par les territoires industrialisés était surtout développé au niveau des pays mais nous pouvons très bien appliqué ceci quand on parle des relations inégales entre les villes et les campagnes.
Les villes sont des territoires ouverts qui viennent se servir de manière abondante voire prédatrice aux territoires avoisinants. Nous pouvons mal imaginer aujourd’hui une ville fonctionner sans des territories fantômes ou servants. Entre les mines, les champs, les usines, les territoires urbains profitent du travail et des écosystèmes lointains pour développer et assoir leur pouvoir.
Il est bien sûr quasi impossible de quantifier précisement la totalité des échanges inégaux (sous forme de capital, travail, ressources et pollutions), mais nous pouvons comprendre qu’il s’agit d’un mille-feuille spatial avec différentes zones d’approvisionnement, de production et de pollutions pour chaque ressource.
Mais du coup que faisons nous face à ce constat ? Il est sûr que tous les territoires ne va pouvoir venir auto-suffisants sur tous les flux. Donc quels sont les modes de gouvernances à adopter pour gérer des stocks finis et localisés sur certains territoires. Ces stocks peuvent être des ressources primaires venant de mines et des ressources secondaires venant du recyclage.
Mais le problème est que certains territoires ont déjà profité de ressources à bas coût et à forte teneur de concentration, pour construire leur stock par le passé. Les pays exploités se trouvent donc à devoir vendre leurs ressources tout en n’ayant pas de stock à réutiliser (puisqu’il avait souvent utilisé durant les périodes de colonisation).
Dans le cadre de la transition énergétique à venir, il serait important d’être particulièrement soucieux et soucieuse de la continuation des échanges inégaux du passé entre l’Amérique Latine (par ex.) et les Etats-Unis et l’UE. A titre d’exemple, les exportations physiques nettes de l’Amérique Latine vers le reste du monde sont passées de 6 à 610 millions de tonnes entre 1900 et 2016 avec une partie de plus en plus importante de métaux nécessaires pour la transition énergétique. Une autre manière de voir ces chiffres est qu’entre 2014 et 2016, l’Amérique Latine a exporté plus qu’au cours des trois siècles de domination coloniale3.
Que ce soit pour la transition énergétique ou les relations villes-campagnes, il devient essentiel de pouvoir réfléchir à la juste valeur de flux, de terres et d’écosystèmes mobilisés dans les échanges. Et par valeur, ce n’est évidemment pas que de la valeur économique. Nous n’allons pas faire revivre une espèce ou une société disparue avec des euros. Un moyen pour soulager la pression de ces échanges est bien évidemment de travailler sur l’auto-suffisance territoriale grâce à la sobriété (ou décroissance des flux), la réutilisation des ressources secondaires locales, et finalement l’utilisation de ressources locale renouvelables.
Si vous voulez en apprendre plus sur la questions des échanges inégaux je vous renvoie aux épisodes avec Raj Patel et Farhana Sultana.
A demain pour la lettre F.
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Emmanouil, A. (1969). L'échange inégal. Essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux. Maspero.
Wallerstein, I. (2004). World-Systems Analysis: An Introduction. Duke University Press.
Infante-Amate, J., Urrego-Mesa, A., Pinero, P., & Tello, E. (2022). The open veins of Latin America: Long-term physical trade flows (1900–2016). Global Environmental Change, 76, 102579.